Plus de 50 expropriations prévues pour la section urbaine de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen. Entre ambitions nationales et sacrifices locaux, ce projet relance le débat sur les grandes infrastructures au Cameroun.
C’est un tournant décisif pour le projet de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen. Paul Biya, par décret présidentiel signé le 23 avril 2025, a autorisé l’expropriation de plus de 50 terrains. Le corridor visé traverse 12 km au cœur de Yaoundé, avec une emprise de 50 mètres de large. Derrière la technicité, ce sont des familles, des commerces et des souvenirs qui seront balayés.
Les quartiers Ahala, Trois Statues, Poste centrale ou encore Tsinga verront disparaître partiellement ou totalement certaines de leurs parcelles. Le décret promet des indemnisations « conformément à la réglementation en vigueur », mais l’histoire récente laisse planer le doute. Recasement, retards de paiements et évaluations contestées alimentent déjà les inquiétudes des riverains.
Car ce projet n’en est pas à son premier accroc. Depuis la pose de la première pierre en décembre 2023, les avancées sont minces. « Les formalités restent à finaliser », a concédé la ministre Célestine Ketcha Courtès, évoquant le décret d’expropriation et des validations techniques toujours en attente. Une 10ᵉ réunion du comité de pilotage vient à peine de s’achever, signe que la route est encore longue… au propre comme au figuré.
Pourtant, l’enjeu dépasse le simple bitume. Cette autoroute, dont la première section de 10,8 km a été livrée après sept ans, doit fluidifier l’accès entre la capitale et l’aéroport. À terme, elle ambitionne de créer un nouveau pôle d’activités au sud de Yaoundé, dynamisant transport, commerce et immobilier. Deux passerelles ont déjà été inaugurées en février pour reconnecter les quartiers coupés par le tracé.
Le chantier, estimé à près de 380 milliards FCFA, est désormais entre les mains des entreprises Buns et Razel, remplaçant discrètement les firmes chinoises et égyptiennes initialement pressenties. Sur le terrain, les habitants oscillent entre espoir et résignation. Le bitume viendra, mais à quel prix humain ?