Une hausse brutale des redevances aériennes entre en vigueur dans les prochains jours, pénalisant les passagers des vols domestiques du pays. Une décision unilatérale, imposée sans concertation, qui soulève des inquiétudes quant à l’accessibilité du territoire, l’équité sociale et l’efficacité des politiques de désenclavement.
À compter du 1er juin 2025, le coût des déplacements aériens à l’intérieur du Gabon va significativement augmenter. L’État a décidé de porter la redevance de sûreté aérienne de 3 000 FCFA à 7 000 FCFA pour tous les passagers de vols domestiques. Soit une hausse de 133 %, entrée en vigueur à la suite de l’arrêté ministériel n°000351/MTMM/CAB-M, signé le 30 avril 2025 par l’ex-ministre des Transports Jonathan Ignoumba. Cette mesure a été prise sans consultation publique, ce qui alimente la grogne de nombreux usagers.
Dans un pays marqué par un enclavement persistant de ses régions intérieures, cette majoration soulève une vive controverse. Pour nombre de Gabonais, notamment ceux vivant loin des grands centres urbains, l’avion est bien souvent le seul moyen d’accéder rapidement à des services essentiels : soins médicaux, démarches administratives, opportunités professionnelles. La décision de doubler la redevance revient ainsi à restreindre l’accès à ces droits fondamentaux, accentuant une fracture territoriale déjà béante.
Les professionnels du secteur ne cachent pas leur inquiétude. « Pour un aller-retour Libreville-Franceville, c’est 14 000 FCFA de plus à sortir, uniquement en taxes. Cela équivaut à près d’un tiers du SMIG », déplore un agent de voyage de la capitale. Une somme loin d’être anodine pour la majorité des usagers, surtout en l’absence d’alternatives viables comme un réseau ferroviaire fiable ou des routes carrossables en toutes saisons.
Cette hausse intervient à contre-courant des efforts récemment engagés pour revitaliser la desserte des villes secondaires. Plusieurs aéroports, comme ceux de Makokou, Koulamoutou ou encore Oyem, ont récemment bénéficié d’investissements pour leur réhabilitation. Pourtant, sans politique tarifaire attractive, ces infrastructures risquent de rester en grande partie inutilisées. La rentabilité des compagnies locales, déjà fragilisée par une demande instable, pourrait aussi s’en trouver compromise.
Sur le plan économique, cette mesure est perçue comme une taxation punitive dans un contexte de fragilité du pouvoir d’achat. Elle menace directement la mobilité des PME, des travailleurs informels et de tous les acteurs économiques qui dépendent du transport aérien pour développer leurs activités hors des capitales régionales. À terme, elle pourrait renforcer le déséquilibre entre la façade maritime, mieux connectée, et l’arrière-pays, marginalisé.
Sans dispositif d’accompagnement – comme des subventions ciblées ou des exonérations partielles pour certaines catégories d’usagers –, cette réforme pourrait devenir un facteur de désintégration nationale. Le gouvernement se retrouve face à une équation complexe : générer des recettes supplémentaires pour soutenir les aéroports, sans entraver le droit à la mobilité. Un équilibre précaire, qui nécessiterait plus que jamais un débat public éclairé et des ajustements concertés.