Les autorités judiciaires congolaises ont récemment donné le coup d’envoi à une enquête sur un scandale financier d’envergure, mettant en lumière un détournement présumé de 315 millions de dollars l’équivalent de 221,3 milliards de FCFA. En date du 18 janvier 2025, le ministère de la Justice a annoncé l’ouverture d’une procédure judiciaire contre plusieurs responsables de la Banque centrale du Congo (BCC) et de la société minière Gecamines, dans le cadre d’une affaire de détournement de fonds publics. Selon un audit mené par l’Inspection générale des Finances (IGF), la somme de 221,3 milliards de FCFA a disparu sans laisser de trace, malgré sa destination initiale : des avances fiscales versées par Gecamines à l’État congolais entre 2012 et 2020.
L’ampleur du détournement présumé a frappé l’opinion publique, non seulement par la somme colossale impliquée mais aussi par les irrégularités révélées dans les pratiques des hauts responsables de la BCC et de Gecamines. Selon le rapport de l’IGF, des fonds appartenant à Gecamines et destinés à des contributions fiscales à l’État ont été irrégulièrement gérés. Des millions de dollars ont été retirés en espèces dans des conditions troubles, et des sommes considérables n’ont pas pu être tracées. Parmi les transactions suspectes, de 10,12 milliards de FCFA ont été retirés en 2018 par un directeur de la BCC pour des dépenses de « souveraineté » sur ordre verbal de la présidence de l’époque, alors dirigée par Joseph Kabila. Cette situation a alimenté un climat de suspicion et de méfiance à l’égard des institutions financières du pays.
Le rapport a également révélé que des fonds de Gecamines, dont 9,48 milliards de FCFA, n’ont pas pu être retrouvés, malgré la prétendue contribution exceptionnelle au budget national qu’ils étaient censés représenter. “À ce jour, des mandats d’arrêt internationaux ont été émis pour appréhender les personnes incriminées”, a précisé le ministère de la Justice, soulignant l’ampleur de la recherche internationale pour retrouver les suspects. Les enquêteurs ont également mis en lumière des fonds retirés directement par des responsables de la Banque centrale et transférés sans justification adéquate, des pratiques de gestion pour le moins suspectes.
Un coup de semonce pour la gouvernance
Ce scandale intervient dans un contexte où la gestion des finances publiques en République Démocratique du Congo fait déjà l’objet de critiques, notamment en ce qui concerne la transparence des institutions. La découverte de ces détournements présumés intervient après plusieurs mois d’investigations menées par l’IGF, et met en lumière les dysfonctionnements au sein de la BCC et de Gecamines, deux piliers de l’économie congolaise. En effet, la Gecamines, l’une des plus grandes sociétés minières du pays, joue un rôle crucial dans les finances nationales, étant responsable d’une part significative des revenus fiscaux. Les irrégularités signalées ont donc des répercussions non seulement sur la gestion interne des entreprises publiques, mais également sur la crédibilité de l’État congolais auprès de ses partenaires internationaux.
L’ancien gouverneur de la Banque centrale, Deogratias Mutombo, ainsi que l’ex-patron de Gecamines, sont au centre de cette enquête. En dépit de leur interdiction de quitter le pays, une décision annulée par le Conseil d’État pour vice de procédure, des mandats d’arrêt internationaux ont été émis à leur encontre. Il a également été précisé que des interpellations seront effectuées cette semaine à l’encontre de toutes les personnes se trouvant sur le territoire national et impliquées dans ces actes. Cette action marque un tournant dans la lutte contre la corruption et l’impunité en RDC, soulignant l’intention du gouvernement congolais de prendre des mesures décisives pour redresser les finances publiques. Cependant, des experts s’interrogent sur l’efficacité des réformes à long terme et sur la capacité du pays à restaurer la confiance de ses citoyens et de la communauté internationale.
La procédure judiciaire en cours pourrait se prolonger et affecter l’image de la RDC à l’international, notamment auprès des investisseurs étrangers, déjà hésitants à s’engager dans un environnement économique où la transparence reste un défi majeur. Alors que les autorités judiciaires se préparent à lancer des interpellations, une question persiste : comment la RDC pourra-t-elle surmonter cet épisode sans compromettre ses relations avec ses partenaires économiques et financiers ? Cette affaire de détournement soulève également un débat plus large sur la gouvernance et l’efficacité des audits des entreprises publiques dans un pays où la gestion des ressources reste souvent opaque. La transparence et la responsabilité des dirigeants congolais seront désormais scrutées de près, alors que le pays tente de naviguer dans ces eaux troubles.