Ce classement inédit réalisé par l’US Geological Survey (USGS) ouvre la voie à une nouvelle ère pour le pays, à l’heure où ce minerai devient un pivot incontournable de la transition énergétique. Entre promesses économiques et défis de souveraineté, le moment est venu de transformer l’essai.
Le Gabon franchit un cap stratégique sur l’échiquier minier mondial. Selon le dernier rapport de l’US Geological Survey (USGS) publié début mai 2025, le pays se hisse désormais parmi les cinq premières puissances mondiales en matière de réserves de manganèse, avec un volume estimé à 61 millions de tonnes. Cette reconnaissance le positionne aux côtés de géants comme l’Afrique du Sud, la Chine, le Brésil et l’Australie, renforçant sa stature dans la diplomatie des matières premières stratégiques.
Déjà premier producteur mondial de manganèse à haute teneur, grâce à la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) – filiale du groupe français Eramet – et à sa mine de Moanda affichant une concentration comprise entre 48 et 50 %, le Gabon voit ses ressources souterraines confirmées sur la scène internationale. Ce classement marque une étape symbolique et stratégique pour un pays longtemps limité à l’exportation brute de ses ressources naturelles. Il ouvre désormais une nouvelle ère où le potentiel minier devient un outil de projection économique et politique.
Le véritable enjeu réside dans la capacité du Gabon à convertir cet avantage géologique en levier de développement national. Cela suppose une stratégie industrielle cohérente, tournée vers la transformation locale, la création d’emplois qualifiés et la montée en gamme des chaînes de valeur. Le pays est ainsi appelé à s’affranchir d’un modèle extractif hérité des logiques postcoloniales pour bâtir une économie plus souveraine et résiliente.
Le manganèse, longtemps associé à la sidérurgie, s’impose désormais comme un composant critique dans la transition énergétique mondiale. Il entre dans la composition des batteries lithium-ion, indispensables aux véhicules électriques et aux systèmes de stockage d’énergie renouvelable. Cette mutation confère à la ressource gabonaise une importance stratégique inédite dans un monde en quête d’alternatives durables aux énergies fossiles.
À l’heure où les grandes puissances se livrent une compétition acharnée pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement en métaux critiques, le Gabon se retrouve dans une position de force. Le pays a d’ailleurs exporté au cours des neuf premiers mois de 2024, 6,3 millions de tonnes de manganèse. Mais pour que cette richesse ne reste pas qu’un mirage statistique, le pays devra miser sur une gouvernance minière rigoureuse, des partenariats technologiques judicieux et une politique de formation adaptée aux nouvelles exigences industrielles. Le sol gabonais a livré son verdict : il reste à l’État de jouer pleinement sa partition.