Face à l’échec de son dernier appel d’offres pétrolier, Kinshasa s’apprête à revoir en profondeur son cadre réglementaire. Objectif : rendre son secteur des hydrocarbures plus attractif, tout en rassurant les partenaires sur les enjeux environnementaux.
Trois ans après l’échec cuisant de son appel d’offres pour l’attribution de 27 blocs pétroliers, la République démocratique du Congo (RDC) veut corriger le tir. Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, le ministre des Hydrocarbures, Aimé Sakombi Molendo, a confirmé qu’une révision en profondeur du Code pétrolier serait présentée au Conseil des ministres d’ici trois mois, avant d’être transmise au Parlement.
L’ambition est claire : mettre fin à une législation devenue inadaptée, notamment en matière de fiscalité et de transparence des données. Selon le ministre, l’actuel cadre juridique constitue un frein majeur à l’investissement, un constat partagé par plusieurs compagnies internationales après la faible mobilisation lors de l’appel d’offres du 28 juillet 2022. À l’époque, l’absence de données sismiques précises, la fiscalité peu incitative et l’inclusion d’aires protégées dans les blocs mis en jeu avaient refroidi les potentiels soumissionnaires.
Depuis, le gouvernement a revu sa copie. Ce sont désormais 55 blocs qui composent le portefeuille congolais, dont 52 nouvellement ouverts à l’exploration. Trois blocs — Mbandaka, Lokoro et Busira — ont déjà été attribués à la Compagnie minière congolaise, une entité nationale. Le redécoupage des blocs a été opéré en étroite collaboration avec le ministère de l’Environnement, avec pour objectif de « détoxifier » les zones d’exploration en excluant les parcs et réserves protégés.
Malgré ces ajustements, la fronde environnementale ne faiblit pas. La coalition « Notre terre sans pétrole », qui regroupe plus de 170 ONG, demande l’arrêt immédiat du processus et la suspension des blocs déjà attribués. Elle accuse le gouvernement de contradiction, alors que la RDC cherche simultanément à se positionner comme pays pivot dans la lutte contre le changement climatique.
« Le gouvernement ne reculera plus », rétorque Aimé Sakombi Molendo, qui se veut ferme. La stratégie désormais affichée est celle d’un État souverain qui entend valoriser ses ressources naturelles, tout en tenant compte des impératifs de durabilité.
Au-delà de la réforme législative, Kinshasa veut aussi renforcer l’attractivité du secteur à travers la modernisation de ses données géologiques. Des campagnes de sismique sont annoncées pour les mois à venir, avec l’appui d’entreprises américaines spécialisées dans le retraitement et la modélisation des données. Des discussions sont déjà en cours, selon le ministre, en vue de futurs partenariats stratégiques avec des majors du secteur.
Cette nouvelle orientation s’inspire des modèles angolais et congolais (Congo-Brazzaville), deux pays avec lesquels la RDC a initié une coopération technique. Elle marque aussi un virage assumé dans la gestion des ressources pétrolières, longtemps sous-exploitées malgré le potentiel du bassin de la Cuvette centrale.
Reste à savoir si cette réforme, articulée autour d’un nouveau Code et d’un appareil technique modernisé, suffira à restaurer la crédibilité de la RDC auprès des investisseurs internationaux. Dans un marché mondial en mutation, où la rentabilité des projets pétroliers est scrutée à l’aune des critères ESG, le pari de Kinshasa reste à confirmer.