La Cameroon Development Corporation (CDC), une entreprise phare du secteur agro-industriel du Cameroun franchit une étape décisive dans son processus de relance. Le gouvernement camerounais a conclu un accord avec deux banques locales pour régler la lourde dette sociale et fiscale de la société étatique. Cette décision intervient dans un contexte difficile où la CDC, second employeur du pays après l’administration publique, a accumulé des arriérés conséquents. Selon le ministre des Finances, Louis Paul Motazé, cet accord de rachat et de règlement permet de transférer à la Société Générale et à la Banque Atlantique Cameroun une dette de 59,8 milliards de FCFA, répartie entre 35,4 milliards de FCFA de dette salariale et 24,1 milliards de FCFA de cotisations sociales impayées.
Cette prise en charge de la dette, qui devrait se conclure cette année, représente un espoir pour la reprise des activités de la CDC, fortement perturbées par la crise sécuritaire dans la région du Sud-Ouest du pays. La première tranche de la dette salariale, soit 20 milliards de FCFA, a déjà été réglée en 2024, et les 15 milliards restants seront versés durant l’année en cours. Par ailleurs, la dette fiscale, estimée à 31,8 milliards de FCFA, a été convertie en capital de l’entreprise. « L’État, par le biais de cet accord, marque un engagement fort à assainir la situation financière de la CDC, en permettant à l’entreprise de repartir sur de nouvelles bases », souligne le ministre Louis Paul Motazé.
L’achèvement du règlement de ces arriérés devrait permettre à la CDC de retrouver une certaine stabilité, condition sine qua non pour attirer de nouveaux investissements et relancer ses activités. En effet, le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, Paul Tasong, a révélé que l’État cherche actuellement des financements auprès des partenaires internationaux pour dynamiser les capacités de production de la CDC ainsi que d’autres entreprises du secteur agro-industriel, telles que Sodecoton, Pamol et Semry. Une reprise des investissements dans ces entreprises permettrait d’augmenter la production et de renforcer la compétitivité du secteur agro-industriel camerounais.
La crise anglophone et ses conséquences sur la production de la CDC
La situation de la CDC s’est dégradée en raison des violences liées à la crise anglophone, qui affecte principalement les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du pays. Selon les chiffres de la Commission de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), la CDC a enregistré des pertes cumulées de 38,7 milliards de FCFA entre 2019 et 2021. L’insécurité dans ces régions a entraîné l’arrêt de plusieurs sites de production. En 2018, 12 de ses 29 sites étaient à l’arrêt total, certains transformés en camps de base par les milices séparatistes. Cette situation a conduit à la perte de plus de 6 000 emplois sur un total de 22 000, fragilisant davantage l’entreprise.
En raison de cette crise, la production de bananes, qui était l’un des produits phares de la CDC, a été particulièrement affectée. En 2024, la société n’a exporté que 22 640 tonnes de bananes, soit plus de trois fois moins qu’en 2016, lorsque la production atteignait près de 75 000 tonnes pour la même période. Cette chute vertigineuse de la production s’explique par la désorganisation des plantations et la baisse des rendements due à la violence (enlèvements et assassinats des employés) et à l’instabilité dans les zones de culture.
Malgré cet accord et la reprise progressive des investissements, la route reste semée d’embûches pour la CDC. La société devra surmonter les conséquences durables de la crise anglophone, qui a profondément perturbé ses opérations, et relever le défi de retrouver ses capacités de production d’antan. L’accord de 60 milliards de FCFA constitue néanmoins un pas essentiel pour apurer les dettes et redonner confiance aux employés et aux partenaires financiers. Si les prévisions de relance sont maintenues, l’État et la CDC pourront espérer un redressement à long terme du secteur agro-industriel du pays.