Fraîchement nommé à la tête de la Société sucrière du Cameroun (SOSUCAM), Marc Leynaert hérite d’un navire secoué par une tempête sociale sans précédent. Entre tensions ouvrières, pertes financières colossales et défiance persistante, le nouveau directeur général devra rapidement poser les jalons d’un redressement crédible.
La Société sucrière du Cameroun (SOSUCAM) vit un tournant critique. Le 9 avril 2025, son conseil d’administration a acté le départ de Jean-Louis Liscio, remplacé en urgence par Marc Leynaert. À peine installé, ce dernier prend les commandes d’une entreprise minée par des semaines de grève, une production désorganisée et un climat social encore chargé. Une mission à haut risque pour celui qui pilotait récemment Le Grand Moulin du Cameroun.
La courte période de gestion de Jean-Louis Liscio aura été marquée par une contestation d’ampleur, déclenchée fin janvier par les coupeurs de canne de Mbandjock et Nkoteng. La mobilisation a tourné au brasier : près de 970 hectares de plantations incendiés, plus de 50 000 tonnes de cannes perdues, et des dommages chiffrés à 5 milliards FCFA. En toile de fond, un déficit budgétaire prévisionnel de 22 milliards FCFA qui pèse comme une menace sur la santé financière de l’entreprise.
Le défi immédiat pour Marc Leynaert est donc de recoller les morceaux. Si des gestes ont été faits pour apaiser les tensions — revalorisation de certaines primes, ajustement marginal du salaire de base, retour à un calendrier de paiement plus favorable — les revendications centrales des salariés, notamment une augmentation substantielle des salaires, restent sans réponse. Dans les rangs des ouvriers, la méfiance demeure forte, alimentée par des années de frustrations accumulées.
Âgé de 54 ans, cet ingénieur français n’est pas un novice dans les crises industrielles. Fort de son parcours en Afrique de l’Ouest et australe, il apporte une solide expérience de l’agro-industrie, acquise au sein du groupe Geocoton et consolidée par ses récentes responsabilités au sein du groupe Somdiaa. Sa maîtrise du terrain camerounais pourrait faire la différence, à condition d’instaurer un dialogue durable et crédible avec les bases syndicales.
Mais le redressement ne passera pas uniquement par la pacification du front social. Relancer la production, renforcer la logistique, fidéliser une main-d’œuvre fragilisée par les conflits et restaurer la confiance des partenaires industriels, notamment ceux du secteur brassicole, constituent des chantiers tout aussi urgents. La SOSUCAM, pilier stratégique de l’agroalimentaire camerounais, joue ici sa survie industrielle — et c’est à Marc Leynaert d’en écrire le nouveau chapitre.