Cette victoire, obtenue devant la Commercial Court d’Angleterre, évite à la société camerounaise une lourde condamnation financière à hauteur de milliards de Francs CFA.
La Société nationale de raffinage (Sonara) évite un choc financier majeur. En effet, l’entreprise camerounaise a remporté une bataille juridique contre le trader pétrolier nigérian Sahara Energy. Le verdict rendu public par la Commercial Court d’Angleterre a permis à la raffinerie d’échapper à une condamnation d’environ 100 milliards de FCFA, selon Harouna Bako, son directeur général.
L’origine du litige remonte à 2013, lorsque la Sonara et Sahara Energy signent un contrat d’approvisionnement en pétrole brut. Dès les premières livraisons, des ajustements contractuels sont opérés, et plusieurs avenants suivront. Mais la raffinerie camerounaise, en proie à des difficultés financières récurrentes, peine à respecter ses délais de paiement. Alors que les paiements étaient censés intervenir dans les quatre mois suivant les livraisons, la Sonara accumule les retards, n’honorant ses dettes qu’en 2016 et 2019. Cette situation crée des tensions avec Sahara Energy, dont les pertes financières sont amplifiées par des prêts conséquents octroyés par des banques comme Access Bank et Ecobank.
Face à ces difficultés de paiement, Sahara Energy cherche à obtenir des compensations pour couvrir les intérêts accumulés, les pénalités de retard et les pertes de change liées aux fluctuations des devises. Le trader nigérian, qui avait contracté des prêts de grande ampleur, estime que la Sonara lui doit des indemnités substantielles, et le différend prend une tournure judiciaire en 2024. Le cœur de la bataille juridique : un « Rapport Commun » signé en 2019, dans lequel Sahara Energy voit un engagement formel de la Sonara à verser des indemnités supplémentaires. Pour la raffinerie, ce document n’a aucune valeur contractuelle contraignante, position qui sera finalement retenue par la justice.
L’affrontement judiciaire à Londres
Le procès s’est ouvert en octobre 2024 devant la Commercial Court d’Angleterre et du Pays de Galles. L’enjeu était de taille : déterminer si la Sonara était effectivement tenue de verser les compensations demandées par Sahara Energy. Cinq points cruciaux ont été examinés : l’application des pénalités pour retard de paiement, la validité du « Rapport Commun » signé en 2019, la prescription des demandes de Sahara Energy, et la reconnaissance des pertes imprévues. Ce dernier aspect était d’autant plus important que Sahara Energy avait invoqué des pertes de change imprévues, notamment en raison de l’évolution défavorable du taux de change du Libor.
Le tribunal a rendu son jugement en décembre 2024, rejetant fermement toutes les demandes de Sahara Energy. La juge Sara Cockerill a estimé que les réclamations étaient prescrites, car aucune reconnaissance de dette n’avait été faite par la Sonara. De plus, les pertes de change évoquées par le trader n’étaient pas considérées comme prévisibles au moment de la signature du contrat. Finalement, la cour a également validé la position de la Sonara concernant l’article 8 du contrat, concluant que ce dernier ne constituait pas un code d’indemnisation complet et qu’elle était exonérée des pertes imprévues. Un soulagement majeur pour la Sonara, mais cette victoire ne marque pas la fin de ses difficultés.
Malgré cette issue favorable, la Sonara reste confrontée à des défis financiers majeurs. La raffinerie, dont l’endettement a atteint des sommets alarmants – 1 000 milliards de FCFA en 2020 – lutte pour sa survie. Le soutien de l’État reste essentiel pour éviter une catastrophe économique. C’est dans ce contexte difficile que le gouvernement a mis en place une taxe spéciale sur le carburant, fixée à 47,8 FCFA par litre, afin de financer l’assainissement des finances de la Sonara. À la fin du mois d’octobre 2024, cette taxe avait permis de collecter environ 353 milliards de FCFA, une somme qui devrait encore croître dans les années à venir pour parvenir à équilibrer les comptes de la raffinerie.
En dépit des mesures mises en place, la Sonara reste sous une pression constante. En septembre 2023, elle a pu honorer une dette de 14 milliards de FCFA envers le trader suisse Trafigura, mais les défis demeurent. L’avenir de la raffinerie camerounaise dépendra en grande partie de sa capacité à restaurer sa solvabilité tout en bénéficiant du soutien continu de l’État. Une tâche complexe, d’autant plus que les perspectives d’une reprise économique rapide semblent incertaines. La Sonara doit désormais non seulement rétablir ses finances, mais aussi faire face à des défis structurels pour assurer sa pérennité.