Après des années de turbulences dues à la crise anglophone, la Cameroon Development Corporation (CDC) signe son meilleur trimestre d’exportation de bananes depuis 2018. Un signal fort pour la relance économique dans le Sud-Ouest du Cameroun.
La Cameroon Development Corporation (CDC) a retrouvé des couleurs. Selon les données publiées par l’Association bananière du Cameroun (Assobacam), l’entreprise agro-industrielle a exporté 10 400 tonnes de bananes entre janvier et mars 2025. Ce chiffre n’avait plus été atteint depuis le premier trimestre 2018. Cette année-là, la société, alors en pleine activité, avait enregistré 11 631 tonnes d’exportations sur la même période. La performance actuelle marque donc un véritable tournant pour la CDC, qui retrouve peu à peu son rang d’acteur incontournable dans le secteur agricole camerounais. Ce rebond témoigne d’une reprise progressive, mais solide, après plusieurs années de recul dû à l’instabilité sécuritaire dans le Sud-Ouest du pays.
La trajectoire de la CDC a été profondément bouleversée par la crise dite anglophone, déclenchée en 2016 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Dès 2018, l’insécurité croissante pousse l’entreprise à suspendre ses activités. À partir de septembre, elle disparaît complètement des radars de l’export, incapable de faire face aux attaques répétées sur ses plantations. Certains sites sont alors transformés en bases par des groupes séparatistes armés. Les travailleurs sur place sont menacés, parfois tués, et les infrastructures agricoles détruites. Pour une société qui emploie des milliers de personnes — elle est le deuxième employeur du pays après l’État —, l’impact économique et social est majeur. Cette mise à l’arrêt brutale a non seulement affecté la production, mais aussi affaibli durablement la filière bananière camerounaise dans son ensemble.
Il faudra attendre juin 2020 pour voir la CDC réapparaître timidement sur le marché international. Après près de deux ans de silence, l’entreprise relance progressivement ses activités. Toutefois, les volumes restent faibles au départ : 5 317 tonnes exportées au premier trimestre 2021, puis 4 541 tonnes en 2022. En 2023 et 2024, les signes de reprise se confirment avec respectivement 7 289 et 7 712 tonnes exportées durant les trois premiers mois de l’année. Cette progression constante est le fruit d’un travail de réhabilitation des bananeraies endommagées, mené dans un contexte sécuritaire toujours tendu. La remise en production de certaines plantations, jadis abandonnées, permet peu à peu de reconstruire l’appareil productif de la société.
Le franchissement du cap symbolique des 10 000 tonnes d’exportations début 2025 confirme la dynamique de relance. La CDC parvient enfin à renouer avec les standards de production qui étaient les siens avant la crise. Ce résultat n’est pas le fruit du hasard. Il découle d’investissements ciblés, d’un appui de l’État, et surtout d’une volonté de résilience forte de la part des équipes sur le terrain. Dans un environnement encore fragile, marqué par des poches d’insécurité persistantes, cette réussite montre qu’une relance est possible, à condition d’une coordination efficace entre les acteurs économiques et les autorités locales. Elle ouvre aussi la voie à un regain de confiance pour les partenaires commerciaux internationaux, jusque-là prudents face à l’instabilité régionale.
Cette relance de la CDC est un signal fort pour toute l’économie du Sud-Ouest camerounais. Outre l’impact sur les exportations nationales, le redémarrage des activités de l’entreprise bénéficie directement aux communautés locales. Emplois relancés, revenus agricoles retrouvés, redynamisation des infrastructures : les effets d’entraînement sont nombreux. Reste à maintenir cette tendance sur le long terme, malgré les défis sécuritaires et logistiques. Si la barre des 10 400 tonnes marque un cap symbolique, elle constitue surtout un point de départ vers un retour durable de la CDC sur le devant de la scène agro-industrielle camerounaise.