Le bénéfice de l’institution financière de la Cemac est un signe positif pour la région, mais il masque des défis structurels encore nombreux. La gestion de l’inflation, la restauration des réserves extérieures et la diversification économique sont des enjeux cruciaux pour assurer la stabilité et la croissance durables de la sous-région.
La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) a récemment révélé un bénéfice net de 354,7 milliards FCFA pour l’exercice 2024. Ce résultat, en hausse de 14,7% par rapport à l’année précédente, s’inscrit comme le plus élevé depuis 2017. La banque centrale justifie cette performance par une gestion rigoureuse et des réformes mises en place sous la direction de son Gouverneur. Cependant, au-delà de ce bilan financier positif, plusieurs facteurs sous-jacents méritent d’être analysés pour comprendre réellement les implications de ce bénéfice record.
La BEAC génère principalement ses revenus à travers les créances des États membres, mais aussi grâce aux intérêts des prêts qu’elle accorde aux banques commerciales. La hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE), décidée en 2022 pour combattre l’inflation, a également permis à la BEAC de bénéficier de taux d’intérêts plus élevés sur ses investissements. Toutefois, depuis juin 2024, la BCE a amorcé une réduction de ses taux, ce qui pourrait influencer à la baisse les revenus de la BEAC dans les années à venir.
Parallèlement, la banque centrale tire profit des commissions issues des transferts de devises, des opérations de change et des plus-values sur l’or. En 2024, la hausse de la valeur de l’or de 34% a contribué à gonfler ses réserves. De plus, la mise en place de la réglementation des changes a favorisé le rapatriement des devises, ce qui a renforcé la position extérieure de la CEMAC et augmenté les revenus de la BEAC. En outre, depuis mars 2023, l’institution place aussi une partie de ses actifs à la Banque mondiale, contribuant à une amélioration significative de ses résultats.
Malgré ce bénéfice historique, la performance de la BEAC ne doit pas se limiter à un simple résultat financier. L’inflation en 2024 est restée bien au-dessus de l’objectif fixé à 3%, et les réserves extérieures de la région ont chuté à 4,6 mois d’importations, une situation préoccupante. Les chefs d’État de la CEMAC ont d’ailleurs exprimé leurs inquiétudes lors d’un sommet extraordinaire en décembre 2024, appelant la BEAC à renforcer les efforts pour restaurer les réserves de devises.
En outre, l’exposition des banques au risque souverain a considérablement augmenté. De 10% en 2015, elle a atteint 31% à la fin de 2023, ce qui met en péril la stabilité du système bancaire régional. Le manque de diversification de l’économie, trop dépendante des matières premières, représente également un défi majeur. Le financement de la production et la mise en place de politiques économiques visant à diversifier les sources de revenus de la CEMAC s’imposent comme des priorités pour éviter une dépendance excessive aux fluctuations mondiales des prix des matières premières.