Un protocole d’accord signé à Abou Dabi marque une nouvelle étape dans la concrétisation de la ligne ferroviaire N’Djamena–Douala. Ce projet structurant, piloté par la société émiratie Etihad Rail, vise à transformer l’intégration logistique régionale et à repositionner le Tchad dans les grands flux commerciaux du continent.
Le 2 mai 2025, le Tchad et les Émirats arabes unis ont signé à Abou Dabi un protocole d’accord majeur en vue de relancer le projet de ligne ferroviaire reliant la capitale tchadienne N’Djamena au port de Douala, au Cameroun. Le document, paraphé sous l’égide de la société publique Etihad Rail, prévoit une phase préparatoire avec la réalisation d’études techniques actualisées, attendues d’ici juin 2025.
Ce corridor ferroviaire, longtemps évoqué mais jamais concrétisé, s’inscrit désormais dans une dynamique régionale renouvelée, dans un contexte de repositionnement géoéconomique du Tchad, pays enclavé mais au centre des flux de transit de la région CEMAC. L’accord intervient quelques mois après la signature d’un autre partenariat stratégique entre N’Djamena et la Guinée équatoriale pour l’usage du port de Bata, offrant au pays un second accès à la mer.
Ce réalignement logistique met sous pression le Cameroun, partenaire historique du Tchad dans le transit des marchandises. En 2023, 80 % des importations tchadiennes transitaient encore par le port de Douala, et 39 % des exportations camerounaises vers l’Afrique étaient destinées au marché tchadien. L’émergence de nouveaux corridors commerciaux pourrait à terme fragiliser la centralité logistique de Douala, à moins de réformes de compétitivité.
Le projet de ligne ferroviaire N’Djamena–Douala viendra compléter plusieurs chantiers d’infrastructures déjà engagés dans la sous-région. Le pont Yagoua–Bongor, inauguré le 29 avril dernier pour un coût de 92 milliards FCFA, constitue l’un des piliers de ce futur axe multimodal. Il est accompagné du projet routier Kélo–Pala–Léré, d’un montant estimé à 994 millions d’euros, qui doit renforcer les connexions internes du Tchad.
Le coût global de la ligne ferroviaire est évalué à 2580 milliards FCFA, soit environ 4,46 milliards de dollars. Le financement, encore en phase de structuration, pourrait s’appuyer sur un mix de partenariats public-privé et d’appuis multilatéraux, dans le cadre des projets intégrateurs de la CEEAC et des ambitions de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Pour Etihad Rail, opérateur ferroviaire des Émirats arabes unis, ce projet représente une incursion stratégique sur le continent africain, avec un savoir-faire éprouvé dans le développement de corridors logistiques à grande échelle. L’entreprise devrait superviser la conception et la structuration technique du tracé, en intégrant des exigences de durabilité et d’intermodalité.