Avec près de 440 000 unités économiques recensées, le Cameroun affiche une dynamique entrepreneuriale impressionnante. Mais derrière ces chiffres, le rapport de l’Institut national de la statistique (INS) révèle une fragilité inquiétante, une faible longévité des entreprises et un poids grandissant des capitaux étrangers.
Le Cameroun vient de dévoiler les résultats de la première phase de son troisième recensement général des entreprises. Réalisé au troisième trimestre 2023, ce travail de cartographie mené par l’Institut national de la statistique (INS) dresse un état des lieux d’enseignements sur la vitalité, mais aussi la fragilité de l’écosystème entrepreneurial du pays. Avec 438 893 unités économiques recensées, le pays enregistre une progression spectaculaire par rapport à 2016, mais cette dynamique masque des faiblesses structurelles persistantes.
La jeunesse des entreprises camerounaises saute aux yeux. Selon l’INS, 78 % des entreprises ont vu le jour au cours des sept dernières années. Cette vitalité témoigne d’une forte appétence entrepreneuriale, mais elle se heurte à une réalité dure : le taux de mortalité élevé. Moins de 0,4 % des entreprises dépassent le cap symbolique des 50 ans d’existence. La pandémie de Covid-19 a encore fragilisé des structures déjà confrontées à un environnement économique exigeant, où l’accès au financement reste limité.
En termes de nationalité, les Camerounais restent les maîtres à bord, représentant 93,7 % des créateurs et 96,6 % des dirigeants d’entreprises. Pourtant, leur poids s’effrite légèrement par rapport à 2016. Derrière eux, les Nigérians dominent timidement avec 0,9 % de représentation. Hors du continent, la Chine et la France confirment leur présence historique, mais leur influence, bien qu’ultra-minoritaire en nombre, se traduit par des participations capitalistiques significatives.
Le rapport met en lumière une autre réalité : si seuls 2 % des entreprises recensées ont un capital majoritairement étranger, ces dernières concentrent à elles seules 25,1 % des 3 500 milliards FCFA de capital social total en 2022. Une répartition qui illustre le pouvoir d’attraction du Cameroun dans des secteurs stratégiques comme les hydrocarbures, les minerais, l’énergie ou la finance. Ces chiffres révèlent un paradoxe : une présence étrangère marginale sur le papier, mais décisive dans les faits.
Autre enseignement, les modes de financement. L’épargne personnelle reste la source privilégiée pour 78,6 % des entrepreneurs, loin devant les tontines (10,5 %) et le crédit bancaire, très marginal au démarrage. Ce recours limité au financement formel explique en partie la fragilité du tissu productif, notamment des très petites entreprises, qui peinent à franchir le cap de la croissance et de la pérennité.
Enfin, la répartition géographique confirme les déséquilibres habituels. Douala concentre à elle seule 33 % des unités économiques, suivie de Yaoundé (19,7 %) et de la région de l’Ouest (9,7 %). Le secteur tertiaire reste ultra-dominant, représentant 85,6 % des activités, même si l’on note un frémissement positif dans le primaire, notamment grâce à l’intégration des activités de pêche artisanale et de pisciculture.
Ce recensement offre un miroir lucide de l’économie camerounaise. Il met en lumière une dynamique de création impressionnante, mais aussi un tissu économique vulnérable, qui peine à s’adosser à des financements solides et à se projeter dans la durée. Pour le gouvernement, l’enjeu est désormais clair : consolider ces jeunes pousses pour transformer l’essai et bâtir un écosystème entrepreneurial plus robuste et durable.