Alors que la Banque mondiale finance 17 projets actifs au Cameroun pour un montant total de plus de 2 400 milliards FCFA, une revue récente révèle que plus de la moitié sont en situation de risque. Retards de mise en œuvre, lenteurs administratives et faible taux de décaissement compromettent leur impact, mettant en lumière les limites de la gouvernance des projets publics.
Lors de la revue du portefeuille des projets financés par la Banque mondiale au Cameroun, le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) a reconnu que 9 projets sur 17 sont actuellement considérés comme « à risque », soit un taux de 53 %. Ces projets souffrent principalement de retards d’exécution et de taux de décaissement anormalement faibles, malgré l’urgence des objectifs de développement qu’ils poursuivent.
Parmi les projets en difficulté, figurent notamment le Projet d’accélération de la transformation numérique (Patnuc), financé à hauteur de 55 milliards FCFA, qui n’atteint que 15,4 % de taux de décaissement à mi-parcours. Le Perace, destiné à électrifier les zones sous-desservies, plafonne à 45 % à seulement deux mois de sa clôture. D’autres projets comme le Padesce (éducation), le Pulcca (sécurité alimentaire) ou encore le Prolog (gouvernance locale) affichent des performances tout aussi préoccupantes.
Selon le Minepat, les contre-performances sont causées par une mauvaise planification initiale, une maîtrise limitée des procédures environnementales et sociales, des lenteurs administratives, ainsi que des délais prolongés dans la passation des marchés publics. La difficulté d’accès au foncier, notamment pour les projets d’infrastructure, complique également la mise en œuvre. Ces facteurs s’ajoutent à un manque d’appropriation des projets par les structures locales de gestion.
À l’inverse, plusieurs projets sont cités comme exemples de bonne performance, à l’instar du Projet de développement du secteur des transports, du Projet d’appui à la réforme de l’éducation, du Pidrec et du Projet filets sociaux adaptatifs et inclusion. Ces initiatives, qui se distinguent par un taux de décaissement plus élevé, montrent que des marges de progression existent si les goulots d’étranglement sont levés.
Des chiffres révélateurs d’un problème de gouvernance
Au 30 avril 2025, le taux de décaissement cumulé du portefeuille de la Banque mondiale au Cameroun s’élevait à 32,76 %, bien en dessous du seuil de 38 % attendu pour un âge moyen de projet de 3,8 ans. Le taux de décaissement annuel est de seulement 16,36 %, loin de l’objectif de 20 % fixé pour l’année fiscale. Le solde engagé non décaissé atteint quant à lui plus de 1 844 milliards FCFA, soit 69 % du portefeuille total, une proportion qui alimente les doutes sur la capacité du pays à mobiliser efficacement les ressources disponibles.
Cette situation pose la question de l’efficacité des structures nationales de pilotage des projets financés par les bailleurs. La lenteur de l’administration camerounaise dans les étapes de conception, d’approbation et d’exécution freine la transformation économique pourtant permise par des financements substantiels. Des réformes ciblées dans les procédures de passation des marchés, l’allocation des ressources humaines qualifiées, ainsi qu’une meilleure coordination interinstitutionnelle deviennent urgentes pour accélérer les décaissements.